Le peintre qu’on nomme l’orage a bien travaillé, ce soir,
Des figures de grande beauté sont assemblées
Sous un porche à gauche du ciel, là où se perdent
Ces marches phosphorescentes dans la mer.
Et il y a de l’agitation dans cette foule,
C’est comme si un dieu avait paru,
Visage d’or parmi nombre d’autres sombres.
© Linda Van der Meeren, Cooper’s Moon (détail), Expo Kleur (Asse, 2022)
Mais ces cris de surprise, presque ces chants,
Ces musiques de fifres et ces rires
Ne nous viennent pas de ces êtres mais de leur forme.
Les bras qui s’ouvrent se rompent, se multiplient,
Les gestes se dilatent, se diluent,
Sans cesse la couleur devient autre couleur
Et autre chose que la couleur, ainsi des îles,
Des bribes de grandes orgues dans la nuée.
Si c’est là la résurrection des morts, celle-ci ressemble
A la crête des vagues à l’instant où elles se brisent,
Et maintenant le ciel est presque vide,
Rien qu’une masse rouge qui se déplace
Vers un drap d’oiseaux noirs, au nord, piaillant, la nuit.
Ici ou là
Une flaque encore, trouée
Par un brandon de la beauté en cendres.
Yves Bonnefoy, Impressions, soleil couchant (La vie errante)